Japon: Nanzo-in, le temple du Bouddha couché
Dernière mise à jour : 2 oct.
Le temple Nanzo-in, situé dans la paisible ville de Sasaguri, dans la préfecture de Fukuoka, est l'un des temples bouddhiques les plus importants du Japon. Connu pour son immense statue du Bouddha couché, qui figure parmi les plus grandes statues en bronze au monde, il possède une histoire profondément enracinée dans la région, offrant aux visiteurs un mélange d'expériences spirituelles et culturelles.
© O. Robert
Le temple Nanzo-in est un lieu de profonde signification spirituelle, de beauté naturelle et d'importance historique. De l'impressionnante statue du Bouddha couché à son rôle dans le pèlerinage de Sasaguri, ce temple est l'un des monuments religieux essentiels de Kyushu.
Si vous êtes un lecteur régulier de ce blog, vous connaissez certainement déjà mon attachement aux temples de la secte Shingon, pour laquelle j'ai eu le plaisir de publier plusieurs articles. Cette secte (ou mouvement, ou école) est l'une des plus anciennes du Japon (après le bouddhisme de Nara) et est définitivement la plus ancienne encore active dans le pays. Vous pouvez retrouver tous mes articles sur la secte Shingon ici.
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Ayant exploré la statuaire de milliers de temples Shingon au cours des 20 dernières années, plusieurs d'entre eux m'ont particulièrement marqué. Que ce soit en raison de leur ancienneté, de leur remarquable état de conservation, de leurs sculptures, ou simplement de leur atmosphère unique.
Naturellement, Nanzo-in fait partie de cette courte liste de temples inoubliables. L'ayant photographié à de nombreuses reprises, je trouve l'ambiance de ce complexe exceptionnelle, même si Nanzo-in n'est pas aussi ancien que ses homologues situés sur l'île de Shikoku.
Temples et tourisme croissant
Bien que, ces dernières années, comme de nombreux autres temples, Nanzo-in n'ait pas échappé à l'afflux massif de touristes, qui confondent d'ailleurs souvent un lieu spirituel avec une curiosité folklorique, il reste un temple qui a su préserver son harmonie et ses traditions.
Malheureusement, le comportement parfois déviant de certains touristes (y compris des photographes) a conduit de nombreux temples à prendre des mesures plus drastiques. Cela vise à contrôler la manière dont les visiteurs (souvent étrangers) se comportent et à veiller à ce qu'ils ne perturbent pas ceux qui viennent dans ces lieux sacrés pour pratiquer leur foi. Il n'est donc pas rare de voir, par exemple, les trépieds ou le matériel photographique volumineux simplement interdits.
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C'est évidemment le cas dans la plupart des temples de Kyōto, important centre touristique du pays. Cependant, lors de mes séjours dans les temples de Shikoku, le long des routes de pèlerinage du Henro, je n'ai jamais rencontré de telles restrictions et j'ai toujours pu utiliser mes trépieds à ma guise.
Malheureusement, ce n'est plus le cas à Nanzo-in, sauf avec une permission spéciale, que j'ai eu l'honneur d'obtenir. Naturellement, cela m'oblige à photographier en dehors des heures d'ouverture, ce qui n'est pas forcément le moment où la lumière est la plus intéressante. Mais on ne peut pas tout avoir...
Prenons maintenant un moment pour examiner de plus près ce qui compose ce temple et plongeons dans son histoire plutôt unique.
Contexte historique
Le temple Nanzo-in appartient à la secte Koyasan Shingon du bouddhisme japonais, fondée par le moine Kūkai, également connu sous le nom de Kōbō Daishi, au début du 9e siècle. Cependant, l'histoire du temple est bien plus récente. Bien que le site actuel du temple à Sasaguri date de la période Meiji (1868-1912), les origines de Nanzo-in remontent à une époque antérieure et à un emplacement bien différent.
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Le temple Nanzo-in original fut en réalité établi sur le mont Koya durant l'ère Tenpō (1830-1844) de la période Edo. Cependant, en raison de la popularité croissante du temple et de l'afflux de fidèles, il devint une cible durant la politique gouvernementale "Shinbutsu bunri" de l'ère Meiji. Shinbutsu bunri était un mouvement politique radical visant à séparer le shintoïsme du bouddhisme. Il conduisit souvent à la persécution des institutions bouddhiques. Dès lors, en 1886, le gouvernement alors en place tenta de saisir les terres et les biens de Nanzo-in.
Pour sauver le temple de la destruction potentielle, Hayashi Satoshiun, le grand prêtre en chef de l'époque, prit la décision de le déplacer à Sasaguri, un lieu plus reculé et paisible, en 1899. Cette décision fut approuvée par le gouvernement de la préfecture de Fukuoka. Ce nouveau site permit à Nanzo-in de prospérer dans un cadre rural, en harmonie avec la nature contemplative du temple, niché dans les montagnes et forêts du nord de Kyushu.
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Au fait, faut-il dire bouddhique ou bouddhiste?
En français, les termes « bouddhique » et « bouddhiste » ont des significations différentes, bien qu'ils soient liés au bouddhisme.
Le terme « bouddhique » fait référence à tout ce qui est relatif au bouddhisme en tant que religion ou culture. Il s'applique généralement aux objets, concepts ou éléments qui appartiennent à cette tradition. Le terme « bouddhiste » désigne les personnes qui adhèrent au bouddhisme ou qui suivent ses enseignements. Un bouddhiste est donc un pratiquant ou un adepte du bouddhisme.
On peut aussi utiliser le terme bouddhiste comme adjectif pour qualifier quelque chose en lien direct avec les pratiques des personnes bouddhistes, comme une communauté bouddhiste ou un temple bouddhiste. Mais personnellement, je marque clairement la différence dans mes articles et parle donc d'enseignement, de textes ou de temples « bouddhiques ». Je réserve le terme « bouddhistes » exclusivement aux personnes.
Pèlerinage de Sasaguri
Depuis la fin du 19e siècle, Nanzo-in fait également partie d'un complexe de temples beaucoup plus vaste, connu sous le nom de pèlerinage de Sasaguri. Il regroupe 88 temples et sites sacrés répartis dans la région environnante. Ce pèlerinage est inspiré du célèbre pèlerinage Henro de Shikoku, qui comporte un nombre similaire de temples et honore l'héritage de Kūkai.
Le pèlerinage de Sasaguri s'étend sur 44 kilomètres (contre 1200 kilomètres pour le pèlerinage de Shikoku) et nécessite plusieurs jours pour être parcouru à pied. Vous pouvez lire mes articles sur le pèlerinage des 88 temples de Shikoku ici.
Le pèlerinage de Sasaguri a connu quant à lui une popularité croissante pendant la période Shōwa (1926-1989), attirant de plus en plus de pèlerins et de touristes vers le temple Nanzo-in et les sites sacrés environnants.
Kongosho, relique sacrée de Nanzo-in © O. Robert
Qu'est-ce qu'un Kongosho dans le bouddhisme Shingon?
Dans le bouddhisme japonais, en particulier au sein de la secte Shingon, un "Kongosho" (金剛杵), comme montré sur la photo ci-dessus, est un objet rituel symbolisant à la fois le pouvoir spirituel et l'indestructibilité. Le terme "Kongosho" est dérivé du sanskrit "Vajra", qui signifie "Diamant" (représentant l'indestructibilité) et "Foudre" (symbolisant une force irrésistible).
Le kongosho est souvent représenté comme un objet court, en forme de massue, avec des pointes symétriques ou des dents aux deux extrémités. Il symbolise la capacité de percer l'ignorance et l'illusion avec clarté, à l'image d'un diamant qui coupe tout, et il exprime également la force irrésistible de la sagesse éclairée. Dans les rituels du bouddhisme ésotériques, le kongosho est utilisé par les prêtres pour signifier la compassion et la sagesse, et il joue un rôle crucial dans de nombreuses pratiques méditatives et cérémoniales, représentant à la fois une arme contre l'illusion et un outil de protection spirituelle.
De plus, le kongosho peut symboliser l'union des contraires, comme la fusion des "méthodes expédientes" (upaya) et de la "sagesse" (prajna), un concept clé dans le bouddhisme ésotérique. C'est un emblème central dans les cérémonies bouddhistes Shingon et Tendai, où il est souvent tenu pendant les mudras (gestes rituels des mains) et les récitations de mantras pour invoquer le pouvoir divin et la protection.
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La réalisation du Bouddha couché
La caractéristique la plus remarquable du Nanzo-in aujourd'hui est l'énorme statue du Bouddha couché (photo ci-dessus), construite en 1995. Cette statue, mesurant 41 mètres de long, 11 mètres de haut et pesant environ 300 tonnes, est même plus grande que le célèbre Grand Bouddha de Kamakura. Connue sous le nom de "Nehanzo", la statue représente Bouddha dans ses derniers instants avant d'entrer dans le "Parinirvana" (l'état de nirvana après la mort), une représentation courante dans l'iconographie bouddhique.
La construction de la statue faisait partie d'un mouvement plus large, engagé sous l'égide du prêtre en chef du temple. Il visait à promouvoir la paix mondiale et la guérison, en faisant spécifiquement référence à l'engagement du temple à commémorer les personnes décédées dans des conflits et à soutenir les malades.
La statue abrite également des reliques sacrées censées provenir du Bouddha historique ainsi que de deux de ses disciples, Ānanda et Maudgalyayana. Ces reliques ont été offertes au temple en 1995 par plus de 1000 moines venus du Myanmar (Birmanie) et du Népal. Elles sont conservées dans une chambre à l'intérieur de la statue, ce qui ajoute évidemment une signification spirituelle additionnelle au site.
La statue se distingue également par son accessibilité pour les fidèles. Les visiteurs peuvent toucher les cordes suspendues aux mains et aux pieds de la statue, ce qui est censé apporter la bénédiction, la bonne santé et la longévité. Cette interaction physique avec la statue rend l'expérience hautement participative, attirant à la fois les pèlerins et les visiteurs du monde entier.
Statue de Fudō Myō-ō © O. Robert
Organisation et caractéristiques du temple
En entrant dans le temple Nanzo-in, les visiteurs traversent d'abord la porte du temple qui mène à un long chemin bordé de nombreux petits sanctuaires, statues et figures bouddhiques. On y retrouve notamment une représentation de Fudō Myō-ō (photo ci-dessus), l'un des Cinq Rois de la Sagesse dans le bouddhisme ésotérique. En chemin, on croise diverses statues de Jizō, le gardien des enfants et des voyageurs, ainsi que de Kannon, le Bodhisattva de la compassion. Lire mon article sur les Jizō ici.
Statues de Jizo © O. Robert
Les autres caractéristiques remarquables du temple sont notamment:
- Les Rakan: Il s'agit d'une collection de 500 statues en pierre d'arhats (disciples du Bouddha ayant atteint l'éveil). Ces statues sont souvent uniques et présentent différentes expressions faciales et postures. Les pèlerins s'arrêtent pour prier devant chacune d'elles, ajoutant à l'intensité spirituelle de la visite. Lire mon article sur les Rakan ici.
Collection de Rakan | Tirages Fine Art © O. Robert (Disponible à la vente ici)
- Le sanctuaire d'Enmusubi Kannon: Ce sanctuaire est dédié à Kannon en tant que divinité du mariage et des relations. Les visiteurs viennent ici prier pour l'amour, le partenariat et les bénédictions familiales.
- La Cloche de la Paix: Il s'agit d'une grande cloche située près du Bouddha couché que les visiteurs sont encouragés à faire sonner pour envoyer des prières de paix à travers le monde. Cette caractéristique s'inscrit dans l'engagement plus large du temple à la promotion de l'harmonie mondiale.
Le complexe du temple est aussi magnifiquement aménagé, avec des jardins traditionnels, des ruisseaux et des ponts. Le cadre naturel renforce l'atmosphère de tranquillité, invitant à la méditation et à la réflexion. La beauté saisonnière joue également un rôle clé dans l'attrait touristique de Nanzo-in. Les cerisiers en fleurs au printemps et les feuilles d'érable colorées en automne créent des décors saisissants et mettent en valeur les différentes structures du temple.
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Evénements annuels
Le temple Nanzo-in est un site religieux actif, accueillant plusieurs événements annuels significatifs. L'un des plus importants est le Grand Festival de Kobo Daishi, qui se tient à la fin du mois de mars et qui commémore l'héritage de Kūkai. Ce festival est une occasion particulière pour les fidèles d'exprimer leur gratitude pour ses enseignements et son héritage.
Le festival propose généralement des rituels, des prières et des offrandes au temple, ainsi que des défilés, des chants et des bénédictions. Les pèlerins et les visiteurs se rassemblent alors pour participer aux cérémonies religieuses tout en recherchant une guidance spirituelle, une protection et la bénédiction. Ce festival met en lumière l'influence de Kobo Daishi sur le bouddhisme japonais en général et constitue une occasion de culte communautaire et de réflexion.
Comme pour de nombreux autres temples, un autre événement majeur est le festival Obon en août, durant lequel les familles viennent rendre hommage à leurs ancêtres. Des prières sont alors offertes pour les âmes des défunts.
Nanzo-in et la photographie
Le temple Nanzo-in, avec sa profonde signification spirituelle et son architecture impressionnante, constitue un sujet intemporel pour la photographie en noir et blanc. Le médium monochrome accentue naturellement l'essence du temple, révélant le jeu brut de la lumière, de l'ombre et de la forme.
Le Bouddha couché, avec son expression sereine et son échelle monumentale, offre une juxtaposition frappante entre le savoir-faire humain et l'immobilité éternelle. Dans la photographie en noir et blanc, ce contraste est encore amplifié, permettant au photographe de capturer non seulement les détails physiques, mais aussi la quiétude philosophique de la scène.
L'atmosphère méditative du temple, accentuée par ses statues uniques, ses ruisseaux et ses rituels séculaires, invite le photographe à explorer des thèmes d'impermanence, de tranquillité et d'éveil. L'absence de couleurs valorise la représentation intemporelle du temple et de la nature transitoire de la vie. Deux valeurs reflétées dans le passage du Bouddha Nehanzo dans le parinirvana.
Le jeu de la lumière douce filtrant à travers les arbres du temple ou les textures des statues de pierre usées révèlent émotions et spiritualité. A travers l'objectif, Nanzo-in est non seulement un site religieux mais aussi une toile pour explorer des expériences humaines uniques. Abordé avec le respect qu'il requière, ce temple offre d'innombrables opportunités pour capturer à la fois la beauté minimaliste et l'essence intangible de la paix qui se trouve au cœur de la philosophie bouddhique.
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Accessibilité et informations pour les visiteurs
Le temple Nanzo-in est facilement accessible depuis la ville de Fukuoka, ce qui en fait une destination populaire pour des excursions d'une journée. Le temple se trouve à quelques pas de la station Kidonanzoin-mae sur la ligne Sasaguri, et des panneaux clairs guident les visiteurs jusqu'au temple.
L'entrée est libre et gratuite, bien que des dons soient appréciés, en particulier pour ceux qui souhaitent participer à des rituels comme faire sonner la Cloche de la Paix ou prier dans les différents halls. Le temple propose également des documents et des guides en anglais pour les visiteurs internationaux, ce qui facilite l'appropriation des lieux pour ceux qui ne sont pas familiers avec les coutumes japonaises.
Adresse du Temple Nanzo-in:
1035 Sasaguri, Kasuya District,
Fukuoka 811-2405
Japon
Ouvert tous les jours de 9h à 16h30
Tél: +81929477195
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