Japon: Photographier les 88 temples du pèlerinage Henro (partie 2)
Dernière mise à jour : 29 sept.
Le pèlerinage autour de l’île de Shikoku, aussi appelé Henro en japonais, consiste à relier 88 temples du bouddhisme Shingon, répartis sur 4 préfectures. Plusieurs milliers de pèlerins s’aventurent chaque années sur ces chemins longs de quelques 1200 kilomètres. Traditionnellement, ces pèlerins, nommés Ohenro, parcourent à pieds ce voyage ambitieux dans une quête personnelle. Explications et conseils pour photographier les temples et les paysages grandioses de ce pèlerinage.
Chacun trouvera les bonnes raisons et la motivation pour se lancer ce défit en fonction de ses croyances, de ses attentes spirituelles, de sa curiosité ou de toute autre conviction personnelle.
Se découvrir, se surpasser, apaiser des tourments personnels, défier la maladie, commémorer la perte d’un proche sont autant de raisons qui m'ont été confiées par les pèlerins que j'ai rencontré lors de mes séjours sur les chemins du Henro.
D'autres, tels que ma femme et moi, se lancent sur ces chemins par curiosité, par intérêt pour l'histoire ancienne ou pour le plaisir de marcher dans des lieux uniques, de se surpasser, de découvrir des paysages époustouflants et de satisfaire une gourmandise pour l'image documentaire.
Dans le premier article, j'aborde l'histoire de ce pèlerinage consacré au bouddhisme Shingon. Dans quel but se lancer ce défit et que constitue t-il aujourd'hui? Quelles est la tenue à adopter (ou pas) pour marcher sur les chemins sacrés de Shikoku? Et enfin, comment est organisé le pèlerinage sur l'île?
Dans ce second article, vous trouverez les informations pratiques relatives à la photographie dans ces 88 temples. Comment sont-ils répartis dans les préfectures, quels sont les plus beaux temples à photographier et quelle est la meilleure période pour s'y rendre? Vous trouverez également des conseils sur la préparation physique et la logistique sur place.
Sommaire de cet article:
Pavillon du temple Iwamotoji. Tirage Fine Art © O. Robert (Acheter ici)
Introduction
Bien que ce pèlerinage soit indéniablement lié au bouddhisme japonais et à son histoire, il n'y a aucune obligation religieuse dans la démarche. Nous avons pu également constaté le caractère touristique de ce pèlerinage aujourd'hui. J'en veux pour preuve les immenses parkings réservés aux cars aux abords de certains temples célèbres. Mais je vous rassure, il s'agit souvent de temples situés dans les villes ou en périphérie directe. Les temples plus authentiques et plus reculés ne figurent pas sur la liste des agences touristiques. Et c'est une excellente chose.
Qu’importe donc la raison qui motive ce challenge, croyants, curieux ou sportifs, tous les esprits se rencontrent autour d’un même but: terminer ce long périple en espérant trouver en chemin quelques révélations sur soi-même.
En ce qui nous concerne, c’est donc dépourvus de toute croyance religieuse que nous avons parcouru à plusieurs reprises la route des 88 temples. Après s'être lancés sur ces chemins en 2013, nous avons finalement bouclé ce pèlerinage en 2019 avec une énorme satisfaction personnelle et non sans une certaine émotion.
Fascinés par la statuaire bouddhique et l'architecture des temples, nous y sommes rendus à 4 reprises pour bénéficier de conditions climatiques variées et y trouver des ambiances caractéristiques propices à notre recherche photographique. Les montagnes et forêts dans lesquelles la plupart de ces temples ont été bâtis sont en effet des sources infinies d'inspiration et le calme qui y règne est propice à la réflexion et à la méditation par l'image.
Même si traditionnellement ce pèlerinage s’effectue en une seule fois, il représente pour beaucoup un défit physique énorme et requière du temps. Il n’est pas rare d’y passer 2 mois minimum à marcher quotidiennement autour de Shikoku afin de terminer ce long périple (voir les distance plus bas). Aussi, beaucoup de Japonais effectuent le trajet en voiture.
Les temples sont désormais tous organisés en conséquence et disposent de parkings pouvant accueillir les personnes qui ne peuvent ou ne veulent pas marcher. Cette solution pratique prive cependant le pèlerin d’une valeur essentielle, la réflexion spirituelle et la connexion à la nature qui accompagne le marcheur (voir mes articles sur la marche comme outil d'inspiration).
Lanterne, temple Ishiteji et Rakans, temple Unpenji. Tirage Fine Art © O. Robert (Acheter ici)
Comment sont répartis les 88 temples
La répartition territoriale et les distances qui séparent les temples ne sont pas égales dans chaque préfecture. Certaines préfectures disposent de plus de temples et les distances sont ainsi plus courtes. Par exemple, la préfecture de Tokushima compte de nombreux temples situés dans des villes ou centres urbains. Il est donc plus facile de les relier à pieds.
A l’inverse, la préfecture de Kochi présente un relief plus montagneux et sauvage. Dès lors, les distances sont plus longues et la complexité du parcours plus difficile.
Les temples sont majoritairement répartis dans les campagnes, les forêts ou à flanc de montagnes. Les distances journalières sont longues et le logement parfois difficile. Il faut prévoir de passer quelques nuits à l’extérieur. Certains temples permettent de loger dans des abris rudimentaires aux entrées. Mais ne vous attendez pas à y trouver pour autant du confort ou des commodités (voir plus bas).
Afin de vous repérer, voici la liste des temples par préfecture avec le nom des villes et les distances entre chaque temple.
1. Préfecture de Tokushima (Temples 1 à 23)
2. Préfecture de Kochi (Temples 24 à 39)
3. Préfecture de Ehime (Temples 40 à 65)
4. Préfecture de Kagawa (Temples 66 à 88)
Quelle est la meilleure période pour effectuer le pèlerinage Henro
Bien que ce pèlerinage peut être effectué toute l’année sans aucune restriction, je recommande fortement d’éviter les mois de juillet et août. Les fortes chaleurs estivales au Japon rendent les déplacements extrêmement pénibles. L’hiver est également une période difficile car il peut faire très froid selon les années, même sur l'île de Shikoku. Et, comme indiqué plus haut, il faut parfois prévoir de passer la nuit dehors.
Aussi, le printemps me semble être la meilleure période. D’autant plus pour la photographie, si vous vous y rendez en avril par exemple, vous pourrez admirer les cerisiers en fleurs dans de nombreux temples pendant quelques jours. Ce qui ajoute un grand intérêt à votre visite.
Pour ma part, j’ai toujours préféré la saison des pluies du mois de juin. La chaleur est déjà importante mais les lumières sont exceptionnelles. La végétation des temples et des forêts est verdoyante. Les érables Momiji ou les mousses offrent des contrastes et des dégradés de verts presqu’artificiels tant ils sont parfaits.
Mais il vous faudra alors composer avec des pluies parfois très intenses et pour plusieurs heures. Il est donc pénible voire impossible de marcher toute la journée dans ces conditions.
Pavillons et jardin du temple Doryuji. Tirage Fine Art © O. Robert (Acheter ici)
Les plus beaux temples à photographier sur les chemins du Henro
Voici la liste des plus beaux temples que je recommande pour la photographie et dans lesquels vous trouverez de nombreux sujets. Il s'agit bien évidemment d'une sélection personnelle basée sur mes attentes, les ambiances et les lumières que j'ai pu y trouver lors de mes visites. Elle n'est que le résultat de multiples facteurs et n'est en aucun cas une certitude d'y trouver l'inspiration.
J'illustre cette sélection par quelques-unes de mes photographies représentatives de ces temples.
Préfecture de Tokushima:
Temple n°3 Konsenji
Temple n°6 Anrakuji
Temple n°7 Jurakuji
Temple n°9 Horinji
Temple n°10 Kirihataji
Temple n°12 Shozanji
Temple n°18 Onzanji
Temple n°20 Kakurinji
Préfecture de Kochi:
Temple n°31 Chikurinji
Temple n°38 Kongofukuji
Préfecture de Ehime:
Temple n°40 Kanjizaiji
Temple n°45 Iwayaji
Temple n°51 Ishiteji
Préfecture de Kagawa:
Temple n°66 Unpenji
Temple n°71 Iyadaniji
Temple n°75 Zentsuji
Temple n°77 Doryuji
Temple n°85 Yakuriji
Temple n°88 Okuboji
Cette liste n'est donc pas exhaustive. Elle est le résultat de l’intérêt qu’offraient les jardins et bâtiments de ces temples lors de mes visites. A chacun de se faire sa propre idée selon la période à laquelle il s’y rendra. Tous les temples ont leurs particularités et il est essentiel de les visiter avec le même état d’esprit positif. Même si les préférences sont inévitables et apparaissent assez vite.
Ce qui n'est de loin pas facile lorsque les distances parcourues à pieds sont longues et lorsque la fatigue se fait sentir en fin de journée ou après quelques jours. Il est certain que les temples que j'ai pu photographier le matin m'ont toujours apporté une plus grande satisfaction et les meilleurs résultats photographiques.
Préparation physique et logistique
Si vous envisager de vous lancer dans l’aventure Henro à pieds, même dans une seule préfecture, il faut être bien préparé physiquement.
A l’exception des villes, vous ne trouverez aucune assistance médicale rapide si vous deviez en avoir besoin. Il est prudent d’emporter le matériel nécessaire pour répondre aux premières urgences éventuelles. J'ai souvent rencontré des personnes qui étaient blessées aux genoux ou aux chevilles. En effet, les milliers de marches qu'il faut emprunter pour accéder à certains temples sont pénibles, irrégulières et glissantes (surtout en hiver évidemment).
Les accidents ne sont pas rares. Et même si ils sont souvent sans gravité, la situation des temples de montagnes ou de forêts ne permet pas facilement aux secours d'accéder. Il faut alors redescendre tant bien que mal jusqu'à la route principale. Et en étant blessé, c'est loin d'être évident. Et quoiqu'il en soit, la moindre blessure de ce type mettra immédiatement un terme à votre voyage que vous aurez sans doute préparé pendant quelques mois ou années.
Se nourrir et se loger
Comme partout au Japon, vous trouverez en chemin de nombreux petits magasins appelés Konbini (Seven Eleven, Lawson, Family Mart ou autres). Vous pourrez toujours y acheter vos boissons (fraiches ou chaudes) de la nourriture et d’autres biens utiles comme le nécessaires de toilette, des piles, des câbles pour charger votre smartphone, des adaptateurs de prises électriques, etc. Ces Konbini sont souvent ouverts 24/24h et 7/7 jours.
Vous pourrez aussi constater que plusieurs habitants offrent de la nourriture aux pèlerins. Cette coutume ancestrale se perpétuent encore aujourd'hui et est très appréciable. Ainsi, vous recevrez sans doute des gâteaux de riz, des galettes, des légumes et des fruits. Ce n'est de loin pas suffisant mais ça permet en général de tenir le coup jusqu'au prochain magasin ou marché local.
N'oublions pas que l'objectif initial de ce pèlerinage était de marcher en connexion avec les pensées spirituelles de Kukai, le fondateur. Aussi, les moines bouddhiques mangent peu afin de garantir les meilleures conditions physiques et mentales pour la pratique de leur religion.
Quant au logement, vous trouverez en route plusieurs hotels ou gîtes de qualité variable mais largement suffisants pour passer une nuit réparatrice et repartir de bonne heure le lendemain. Comme indiqué, il faudra aussi parfois préférer de dormir à l'extérieur à proximité des temples, à défaut de trouver un hotel ou tout simplement par choix. Cette option est évidemment conditionnée à la saison.
Et une fois en route, vous pourrez même être invités à loger chez l’habitant qui vous offrira alors le gîte et le couvert. Les habitants sont habitués de voir passer des milliers de pèlerins chaque années et ils aiment partager leurs histoires locales, leurs coutumes ou tout simplement faire preuve de générosité.
Une expérience très enrichissante et bien souvent amusante car la barrière de la langue est difficile à surmonter. Néanmoins, les familles qui vous offrent l’hospitalité sont en général très ouvertes d’esprit. C’est l’occasion de se faire une bonne idée de ce qu’est réellement la vie quotidienne dans les campagnes japonaises à l'écart du tourisme de masse.
© O.Robert
Le mot de la fin
Le pèlerinage Henro, souvent considéré comme étant une quête spirituelle autour des 88 temples de Shikoku, est en fait bien plus qu'un simple voyage religieux au Japon. Bien que profondément ancré dans les traditions bouddhistes, il offre à tous, pratiquants ou non, une opportunité unique de se connecter profondément à la nature et de s'immerger dans la sérénité des paysages japonais.
En marchant, le pèlerin est invité à la réflexion personnelle, à la méditation sur la vie, ses choix et son chemin. C'est une invitation à la découverte de soi, mais aussi à l'ouverture d'esprit envers les autres pèlerins rencontrés et les habitants qui offrent souvent hospitalité et soutien.
Si je devais le résumer en une phrase, je dirais que le pèlerinage Henro est un acte personnel qui transcende les barrières religieuses et culturelles tout en permettant à chacun de vivre une expérience transformative, d'introspection et de découverte.
Quoiqu’il en soit, marcher sur les chemins de ce pèlerinage est une expérience unique, personnelle et enrichissante, quelque soit la raison qui vous motivera. Que vous l’envisagiez dans sa totalité ou en étapes réparties sur plusieurs années, vous en conserverez un souvenir inoubliable, intense et à la hauteur de l’effort fourni.