Japon: Jingu, Taisha, Jinja, la hiérarchie des sanctuaires shintoïstes
Dernière mise à jour : 19 mai
Les sanctuaires shinto au Japon se classent en plusieurs catégories, chacune avec sa signification et son importance spécifiques. Allant de petits autels locaux à des complexes importants, ils sont ordonnés selon des critères historiques, culturels, architecturaux, ou d'appartenance à la famille impériale. Cette classification reflète la diversité et la richesse de ces traditions spirituelles shinto.
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Les termes "Jingu", "Gū", "Taisha" et "Jinja" sont donc tous utilisés pour désigner les sanctuaires shinto au Japon. Alors, pourquoi portent-ils des noms différents? Histoire, dimensions, divinités et importance culturelle sont en fait autant de raisons qui définissent l'appellation et la hiérachie de ces sanctuaires. Voici quelques explications pour les photographier en connaissance de cause.
Que sont les sanctuaires shinto
Communément appelés "Jinja" en japonais par soucis de simplification, les sanctuaires shinto sont des lieux de culte dédiés à la pratique religieuse du shintoïsme qui est la religion autochtone du Japon. Ces sanctuaires abritent divers "kami" ou esprits divins, qui peuvent représenter des éléments naturels, des ancêtres, ou des figures historiques. Ils jouent un rôle central dans la vie religieuse, culturelle et sociale du pays.
Chaque sanctuaire shinto est unique, mais certains éléments communs se retrouvent dans ces lieux de cultes, tels que:
1. Torii: Une porte traditionnelle marquant l'entrée du sanctuaire, symbolisant la séparation entre le monde profane et le monde sacré. Lire l'article dédié aux symboles et à la spiritualité des Torii.
2. Honden: Le bâtiment principal du sanctuaire, souvent situé derrière un espace de prière plus ouvert appelé "haiden". Le honden, quant à lui, abrite généralement l'objet sacré symbolisant le kami.
3. Shimenawa et shide: Le Shimenawa est une corde épaisse et volumineuse faite de paille tressée. Elle est disposée à différents endroits selon les sanctuaires mais plus communément sur le Torii ou au-dessus d'une porte principale. Souvent décorées avec des banderoles de papier, appelées shide, elles marquent ainsi un espace sacré (photo ci-dessous). Lire l'article consacré aux symboles des shimenawa et des shide.
4. Purification: Avant d'entrer dans l'espace sacré, les visiteurs se lavent les mains et la bouche à un bassin (souvent en pierre) appelé "temizuya", pour se purifier. Ceci se fait au moyen d'un petit conteneur métallique avec un manche en bois ressemblant à une louche.
Les sanctuaires shinto jouent un rôle important dans les festivals (matsuri), les mariages et d'autres cérémonies. Ils sont des lieux de paix et de spiritualité, souvent situés dans des cadres naturels pittoresques, ce qui les rend particulièrement intéressants pour la photographie.
Sommaire de l'article:
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Les appellations principales
1. Jinja (神社)
Il s'agit du terme le plus courant pour désigner un sanctuaire shinto. C'est un nom général qui peut être utilisé pour tout sanctuaire, indépendamment de sa taille ou de son importance. Les "Jinja" peuvent varier de petits sanctuaires locaux à de grands complexes avec une histoire et une signification culturelle importantes.
Signification du nom Jinja
1. Définition: "Jinja" se traduit littéralement par "lieu du kami (esprit ou divinité)". Il désigne un espace sacré, souvent délimité par des torii (portails traditionnels shinto), où les kami sont vénérés. Chaque Jinja est dédié à un ou plusieurs kami.
2. Architecture et espaces sacrés: Les Jinja présentent généralement une architecture distinctive, avec des bâtiments principaux pour le culte, des autels, et des espaces pour divers rituels et festivals. Les espaces sacrés sont maintenus propres et sont souvent caractérisés par une atmosphère de sérénité.
3. Rôles communautaire et culturel: Les Jinja servent non seulement de lieux de culte mais aussi de centres pour les festivals (matsuri) et les événements communautaires, jouant un rôle important dans la préservation de la culture et des traditions locales.
Exemples de sanctuaires Jinja célèbres
1. Shirahige Jinja (Préfecture de Shiga, fondé en 420): Il est l'un des plus vieux sanctuaries du Japon. Shirahige Jinja est situé sur les rives du lac Biwa, le plus grand lac du Japon, dans la préfecture de Shiga. Il constitue l'un des sites favoris des photographes pour son torii posé sur l'eau. Lire l'article dédié.
2. Shimogamo Jinja (Kyoto, fondé avant le 6ème siècle): Parmi les plus anciens sanctuaires shinto, il est entouré d'une forêt préservée et est connu pour ses rituels et festivals traditionnels, notamment le Aoi Matsuri.
3. Itsukushima Jinja (Hiroshima, fondé au 6ème siècle): Situé sur l'île de Miyajima, ce sanctuaire est célèbre pour son torii flottant. Il est dédié aux trois filles du dieu du vent et de la mer. La structure actuelle date du 16ème siècle, bien que le site soit utilisé pour le culte depuis bien plus longtemps.
4. Yasaka Jinja (Kyoto, fondé au 7ème siècle): Aussi connu sous le nom de Gion Shrine, ce sanctuaire est célèbre pour son festival annuel, le Gion Matsuri, l'un des plus célèbres du Japon. Son nom signifie littéralement "sept pentes". Il se réfère à la situation géographique environnante.
5. Kamigamo Jinja (Kyoto, fondé autour du 7ème siècle): Kamigamo Jinja, également connu sous le nom de Kamo-wakeikazuchi Jinja, est l'un des plus anciens sanctuaires shinto au Japon et l'un des deux sanctuaires Kamo de Kyoto, l'autre étant Shimogamo Jinja.
6. Hie Jinja (Tokyo, fondé au 14ème siècle): Situé près du Palais National de la Diète, il est connu pour ses torii rouges et son festival annuel Sanno Matsuri, l'un des trois grands festivals de Tokyo.
7. Yasukuni Jinja (Tokyo, fondé en 1869): Un sanctuaire shinto controversé dédié aux âmes de ceux qui sont morts en servant l'Empire du Japon. Il est donc au centre de débats politiques et historiques récurrents.
2. Taisha (大社)
Ce terme signifie littéralement "grand sanctuaire". Il est souvent utilisé pour désigner les sanctuaires les plus importants et les plus vénérés du shintoïsme. Historiquement, les sanctuaires "Taisha" avaient une importance nationale et étaient le centre de grands réseaux de croyants et de sanctuaires affiliés. Un exemple célèbre est Izumo Taisha.
Signification du nom Taisha
1. Importance historique et culturelle: Les sanctuaires "Taisha" sont généralement d'anciens sanctuaires ayant une importance nationale ou régionale. Ils sont souvent associés à des événements historiques significatifs ou à des personnages légendaires ou historiques importants.
2. Architecture et taille: Ces sanctuaires se distinguent souvent par leur grande taille et leur architecture élaborée. Ils peuvent inclure plusieurs bâtiments, des portails impressionnants (torii), des lanternes en pierre, des théâtres pour les danses rituelles (kagura), et d'autres structures complexes.
3. Centre de culte et de pèlerinage: Les "Taisha" sont des centres de pèlerinage et des sites de grands festivals (matsuri). Ils attirent des visiteurs et des fidèles de tout le Japon et jouent un rôle central dans les pratiques shinto.
Exemples de sanctuaires Taisha célèbres
1. Izumo Taisha (Préfecture de Shimane, date de fondation inconnue): L'un des plus anciens et des plus importants sanctuaires shinto, Izumo Taisha est dédié au kami Ōkuninushi. Bien que la date exacte de sa fondation soit inconnue, le sanctuaire est mentionné dans les plus anciens textes historiques du Japon.
2. Sumiyoshi Taisha (Osaka, fondé en 211): C'est l'un des principaux sanctuaires du réseau Sumiyoshi, dédié aux kami protecteurs des marins et de la mer. Sa structure unique reflète un style architectural ancien, distinct des influences continentales.
3. Kasuga Taisha (Nara, fondé en 768): Ce sanctuaire est célèbre pour ses lanternes en pierre et en bronze, offertes par les fidèles (2 photos ci-dessous). Il est dédié aux kami protecteurs de la ville de Nara et de la famille Fujiwara, une puissante famille aristocratique de l'époque.
4. Fushimi Inari Taisha (Kyoto, fondé avant 794): Bien que souvent appelé "Jinja", Fushimi Inari Taisha est également considéré comme un "Taisha" en raison de son importance. Dédié à Inari, le kami du riz et de la prospérité, de l'agriculture et des renards. Il est célèbre pour ses milliers de torii rouges et attire des millions de visiteurs chaque année.
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3. Gū (宮) et Jingu (神宮)
"Gū" est une appellation qui peut être utilisée de manière interchangeable avec "Jingu", mais elle est souvent moins formelle. Historiquement, "Gū" désignait des sanctuaires impériaux ou des sanctuaires de très haute importance mais qui étaient liés à la branche masculine de la famille impériale.
La confusion entre ces 2 appellations est assez habituelle, même pour les Japonais. Un exemple est "Meiji Jingu" à Tokyo, qui est aussi souvent appelé "Meiji Gū".
Le mot "Jingu" lui-même signifie "Palais divin". Ces sanctuaires sont généralement dédiés aux kami (esprits ou divinités) qui sont directement liés à la famille impériale dans leur généralité ou à l'histoire nationale du Japon.
Le plus célèbre de ces sanctuaires est probablement le Grand Sanctuaire d'Ise, appelé Ise Jingu, dédié à Amaterasu-omikami, la déesse du soleil et ancêtre mythique de la famille impériale (voir plus-bas).
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Signification des noms Gū et Jingu
1. Association impériale: Les sanctuaires désignés comme "Gū" sont souvent étroitement associés à la famille impériale japonaise ou à des kami importants dans la mythologie shinto liée à l'histoire nationale. Le mot lui-même signifie "Palais" ou "Résidence" et porte une connotation de grandeur et de prestige.
2. Rôle historique et culturel: Ces sanctuaires jouent souvent un rôle clé dans les événements nationaux et dans la préservation de l'histoire et des traditions impériales japonaises. Ils sont des centres de culte importants et des sites de célébration pour des événements significatifs liés à l'histoire du Japon.
3. Architecture et espaces sacrés: Tout comme les "Taisha", les "Gū" et les "Jingu" présentent souvent une architecture impressionnante et des espaces sacrés étendus. Ils peuvent inclure plusieurs bâtiments et structures spéciales pour des rituels et des festivals. Ils sont donc conçus pour refléter leur importance et leur caractère sacré.
Exemples de sanctuaires Gū et Jingu célèbres
1. Atsuta Jingu (Nagoya, fondé au 1er ou 2ème siècle): Ce sanctuaire est l'un des plus anciens et des plus importants après Ise Jingu. Il abrite l'épée Kusanagi, l'une des trois reliques impériales sacrées du Japon. Il est dédié à plusieurs kami, dont Amaterasu-omikami.
2. Ise Jingu (Préfecture de Mie, période de construction inconnue): Le sanctuaire Ise Jingu est toutefois mentionné dès le 3e siècle dans la littérature japonaise. C'est le plus sacré des sanctuaires shinto, dédié à Amaterasu-omikami, la déesse du soleil et ancêtre mythique de la famille impériale. Le sanctuaire est reconstruit tous les 20 ans selon une tradition ancienne, symbolisant la mort et la renaissance.
3. Tsurugaoka Hachimangu (Kamakura, fondé en 1063, reconstruit en 1191): Bien que ce sanctuaire soit parfois classé comme un "Jinja", il a également été désigné comme "Hachimangu Gū". Il a été fondé par Minamoto no Yoriyoshi et est étroitement lié à l'histoire des samouraïs et du shogunat de Kamakura.
4. Heian Jingu (Kyoto, 1895): Construit pour commémorer le 1100e anniversaire de la fondation de Kyoto en tant que capitale impériale, ce sanctuaire est dédié à l'Empereur Kammu et à l'Empereur Komei. Sa conception est basée sur le palais impérial de l'époque de Heian.
5. Meiji Jingu (Tokyo, 1920): Bien que souvent appelé "Meiji Jingu", il est également connu sous le nom de "Meiji Gū". Dédié à l'Empereur Meiji et à l'Impératrice Shoken, ce sanctuaire a été construit en 1920, après leur décès. Il est devenu un symbole de la restauration de Meiji et du renouveau national. Le sanctuaire est entouré d'une forêt dense, créant un havre de paix au cœur de Tokyo.
Autres appellations
Il existe également d'autres appellations pour les sanctuaires shinto au Japon, en plus de "Jinja", "Taisha", "Gū" et "Jingu". Voici quelques-unes des appellations plus rarement utilisées:
1. Sha (社): C'est une forme abrégée de "Jinja". Elle est souvent utilisée dans les noms de sanctuaires moins importants ou dans des contextes informels.
2. Hokora (祠): Il s'agit de petits sanctuaires, souvent de taille modeste, qui peuvent être trouvés en bordure de route, dans les coins des rues, ou intégrés dans des paysages naturels. Les "Hokora" sont généralement dédiés à des divinités locales ou à des esprits de la nature et sont souvent l'objet de pratiques religieuses locales et de petits rituels.
3. Morisha (森社): Ce terme est parfois utilisé pour désigner un sanctuaire situé dans ou à proximité d'une forêt. "Mori" signifie "forêt" en japonais. Ces sanctuaires peuvent être associés à des croyances sur les esprits de la nature et la sacralité des forêts.
4. Ujigami (氏神): Ce terme désigne un sanctuaire dédié à la divinité tutélaire ou protectrice d'une famille ou d'un clan (uji). Ces sanctuaires jouent un rôle important dans les croyances et pratiques locales et communautaires.
Le mot de la fin
Le terme "Jinja" couvre un spectre diversifié de sanctuaires shinto, allant des petits autels locaux aux grands complexes avec des siècles d'histoire. Ils sont des lieux centraux de culte, de célébration et de préservation de la culture et des traditions japonaises.
Le terme "Taisha" indique non seulement la taille ou l'architecture d'un sanctuaire shinto, mais aussi son importance culturelle, historique et religieuse. Ces sanctuaires sont des témoins essentiels de l'histoire et des traditions du Japon et continuent de jouer un rôle central dans la vie religieuse et culturelle du pays.
Les sanctuaires "Gū" et "Jingu" sont donc caractérisés par leur association étroite avec la famille impériale ou leur importance religieuse et culturelle. Ils possèdent une architecture souvent grandiose et symbolique. Ils sont des piliers de la tradition shinto et jouent un rôle essentiel dans la vie spirituelle et culturelle du Japon.