La marche: Catalyseur d'émotions en photographie de paysages
Dernière mise à jour : 27 mars
Alors que la marche est bénéfique pour tout le monde, elle est particulièrement pertinente pour la photographie de paysages. Ce domaine demande souvent une profonde connexion avec l'environnement naturel. Par l'acte de marcher, les émotions sont décuplées, les sens sont en éveil et l'inspiration s'en trouve grandie.
Je souhaite ajouter un chapitre à un sujet dont j'ai déjà parlé dans un précédent article: La marche, méditation active et outil d'inspiration en photographie. Après lecture de plusieurs livres passionnants et quelques recherches sur le sujet, je focalise ma réflexion dans cet article sur une question spécifique:
Comment la marche peut-elle enrichir spécifiquement la pratique de la photographie de paysages?
Introduction
L'analyse ci-dessous est le résultat d'année de pratique quotidienne de marche, l'appareil photo en poche ou en bandoulière. Il s'agit d'un constat personnel qui met en relation l'importance que représentent pour moi l'investissement physique et la production photographique. Mes meilleurs souvenirs mais aussi mes meilleurs clichés ont toujours été pris lorsque l'effort physique (ici, la marche) précédait ces instants de lumière capturée.
Parcourant environ 100 à 120 km de marche par semaine depuis plus de 5 ans, les situations qui m'ont permis d'observer cette spécificité ont été nombreuses. Comme si l'éveil des sens que procure la marche facilitait ma perception des éléments, en totale harmonie avec l'environnement dans lequel j'évolue.
Je suis d'ailleurs revenu sur ces exemples qui ont jalonné mon parcours de photographe dans d'autres articles, comme les montagnes de Huangshan en Chine, le pèlerinage Henro autour de l'île de Shikoku au Japon et bien d'autres situations (à lire sur ce blog pour en savoir plus).
Il est donc indéniable que les mécanismes sensoriels et émotionnels qui se mettent en place lorsque l'on marche, ont une action directe sur la perception du monde et notre aptitude à réfléchir différemment. Comme si la capacité d'observation et d'écoute s'en trouvait décuplée. Je retire 3 grands principes de tout ceci. Les voici.
1. Approfondissement de la relation avec le paysage
Marcher dans un paysage n'est pas seulement un moyen de se déplacer d'un point A à un point B, mais aussi une manière riche et complexe de s'engager avec le monde qui nous entoure, tant du point de vue philosophique que scientifique.
La marche offre un moyen d'explorer de manière organique l'environnement naturel. Plutôt que de simplement s'arrêter pour prendre une photo et partir, le photographe peut marcher à travers le paysage, ce qui donne du temps pour percevoir des détails subtils, comprendre les changements de lumière et même se familiariser avec la faune et la flore.
Le photographe peut trouver une variété de points de vue en parcourant un environnement donné. La lenteur de la marche lui permet de prendre le temps de trouver des perspectives uniques qui peuvent ne pas être visibles depuis un point de vue statique.
Des études, comme celle publiée dans "Environmental Science & Technology" en 2010, ont montré que l'exposition à la nature améliorait substantiellement la concentration et la capacité d'attention.
Cette notion est corroborée par des recherches en psychologie environnementale, comme celles menées par Kaplan et Kaplan en 1989, qui suggèrent que l'interaction avec des environnements naturels divers peut augmenter la créativité.
D'un point de vue philosophique, la marche peut être considérée comme une pratique méditative et un moyen de se connecter à son environnement de manière profonde. Les philosophes comme Henry David Thoreau ont écrit sur la valeur de la marche dans la nature, affirmant que cela permet une forme de communion avec le monde qui nous entoure. Le simple acte de marcher engage plusieurs sens, ce qui établit une expérience multisensorielle et enrichit notre relation au paysage.
Dans un contexte plus scientifique, marcher active des régions spécifiques du cerveau liées à la mémoire spatiale et à la navigation, notamment l'hippocampe. Cette activation peut renforcer notre sens de la localisation et notre compréhension de l'espace. De plus, le mouvement physique libère des endorphines, ce qui peut améliorer notre humeur et augmenter notre niveau d'engagement avec le paysage.
L'aspect kinesthésique de la marche, l'interaction du corps avec le sol et l'air, nous ancre dans l'environnement de manière tangible. Maurice Merleau-Ponty, un philosophe français, a approfondi ce sujet en expliquant comment notre perception est intimement liée à notre incarnation physique dans un espace donné.
Enfin, la marche offre une temporalité différente, permettant une forme de contemplation qui est souvent absente dans notre vie quotidienne rapide. Cette "décélération temporelle" donne du temps à l'esprit pour réfléchir, pour absorber et pour se fondre dans l'environnement. Elle offre la possibilité de percevoir des détails souvent ignorés : la texture du sol, la complexité des formes végétales, ou le mouvement de l'eau et du vent.
2. Impacts physiologique et mental
L'acte de marcher libère des endorphines, ce qui a pour conséquence d'améliorer l'humeur et la lucidité mentale. Selon une étude de 2018 dans "Frontiers in Psychology", l'exercice physique peut avoir un effet positif sur la cognition et la créativité. Cette amélioration de l'état d'esprit peut, à son tour, affecter positivement la façon dont le photographe interagit avec son environnement. Ce qui est particulièrement pertinent dans le contexte de la photographie de paysages, où l'évocation d'une émotion est souvent un élément clé.
La marche a longtemps été considérée comme une activité bénéfique pour la créativité, et ce n'est pas sans fondement scientifique. Du point de vue physiologique par exemple, marcher augmente la circulation sanguine, y compris vers le cerveau, ce qui améliore l'apport en oxygène et en nutriments aux cellules cérébrales. Cette meilleure circulation contribue à une pensée plus claire et à une meilleure capacité de résolution de problèmes.
Sur le plan neurologique, la marche a démontré une augmentation des niveaux de neurotransmetteurs comme la sérotonine et la dopamine, qui sont associés à l'humeur et au bien-être. Ces neurotransmetteurs peuvent jouer un rôle dans l'état d'esprit créatif en réduisant le stress et en augmentant l'ouverture aux nouvelles idées. De plus, la marche active l'hippocampe, une région du cerveau associée à la mémoire et à l'imagination, ce qui peut être bénéfique pour le processus créatif.
Dans une perspective philosophique, la marche permet une forme de "dérive mentale", une déambulation de la pensée qui peut être très productive pour la créativité. Les penseurs comme Friedrich Nietzsche ont souligné les avantages de la marche pour la pensée complexe et créative. Nietzsche lui-même a dit : "Toutes les grandes pensées sont conçues en marchant". Cette dérive mentale favorisée par la marche peut être vue comme un moment où l'esprit peut explorer librement des idées nouvelles et non conventionnelles.
La marche offre également l'opportunité d'une pause constructive dans notre rythme de vie souvent frénétique. Ce temps peut être utilisé pour la réflexion et l'introspection, deux éléments clés du processus créatif. Ce concept est enraciné dans le stoïcisme et d'autres traditions philosophiques qui valorisent la méditation et la réflexion comme moyens de parvenir à une meilleure compréhension de soi et du monde.
3. Amélioration de la patience et de l'attention
La photographie de paysages nécessite de la patience pour attendre le moment idéal, que ce soit pour des conditions météorologiques particulières ou pour une lumière naturelle spécifique. La marche peut alors servir de méditation active, aidant à conditionner l'esprit à être plus patient et attentif. Cette pratique peut être particulièrement utile dans des projets de longue durée où le photographe revient régulièrement sur le même site.
L'acte de marcher et la pratique de la photographie de paysages partagent un élément commun crucial: l'importance de la patience et de l'attention aux détails. Philosophiquement, la marche peut être considérée comme une forme de méditation active (voir mon précédent article à ce sujet), un état dans lequel l'esprit et le corps sont simultanément engagés dans l'exploration de l'environnement.
Tout comme le photographe de paysages doit être attentif aux subtiles variations de la lumière, du climat et du relief, la marche demande une forme d'attention soutenue à notre environnement immédiat et à nos sensations internes.
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La marche crée un espace pour l'observation et la contemplation, renforçant ainsi notre capacité à être patient et à attendre le "moment décisif", pour reprendre une expression du photographe Henri Cartier-Bresson. Ce moment est celui où tous les éléments s'alignent pour créer une image ou une expérience particulièrement puissante ou émouvante.
La marche, en tant que méditation active, nous entraîne à devenir des observateurs plus attentifs et des êtres plus patients. En nous immergeant dans l'instant présent, nous cultivons une forme de pleine conscience qui est non seulement bénéfique pour notre bien-être, mais aussi particulièrement adaptée à la production photographique. Cette qualité d'attention et de patience est cruciale pour saisir la complexité et la beauté éphémère qui s'offrent à nous.
Conclusion
Dans le cadre de la photographie de paysages, la marche sert non seulement comme un outil pour une meilleure santé mentale et physique, mais aussi comme un moyen d'approfondir la relation avec l'environnement naturel que nous observons. Elle permet une immersion complète dans le paysage, encourage la découverte de nouvelles perspectives et peut même avoir un impact positif sur l'état émotionnel du photographe.