Japon: Le Musée du sabre traditionnel de Seki, des samouraïs au monde moderne
Dernière mise à jour : 25 sept.
Situé dans la ville de Seki, préfecture de Gifu, ce musée est une institution dédiée à l'art ancestral de la fabrication des sabres japonais. Reconnu comme l'un des centres les plus importants de la production de sabres traditionnels, Seki possède une histoire de fabrication de lames qui remonte à plus de 700 ans. Plongée dans le monde fascinant des samouraïs.
© O. Robert
Le musée sert de porte d’entrée pour comprendre cet artisanat profondément enraciné dans la culture nippone. Il offre aux visiteurs une expérience immersive de l'art, de l'histoire et des techniques qui se cachent derrière la fabrication des sabres japonais.
Littéralement traduit, le "Musée de la forge traditionnelle de Seki", ou Seki Kaji Denshokan (関鍛冶伝承館), est un témoignage unique de l'héritage de la culture japonaise (je l'appellerai le Musée du sabre de Seki dans cet article). En préservant et en promouvant l'art de la fabrication des sabres, le musée permet à cet artisanat de prospérer dans le monde moderne.
A travers ses expositions, ses démonstrations et ses ateliers, le musée redonne vie à l'univers des lames japonaises, tout en offrant aux visiteurs un aperçu d'une tradition transmise de génération en génération.
Ayant eu l'occasion de le visiter plusieurs fois (mes beaux-parents vivent à Gifu), je ne peux que recommander de vous y arrêter si vous êtes dans la région. Les collections exceptionnelles raviront tous les passionnés de traditions et offriront une immersion dans l'une des périodes historiques qui ont sans doute façonné la culture et la mentalité japonaises. Sans oublier que les couteaux fabriqués à Seki comptent parmi les plus célèbres au monde.
Mais d'abord, jetons un coup d'œil à son histoire avant d'explorer de quoi est fait ce musée et quels objets uniques on peut y trouver.
Histoire du musée
Le Musée du sabre de Seki a été officiellement fondé en 1984. Cependant, l'histoire de la forge des lames à Seki remonte à la période Kamakura (1185-1333), une époque où le Japon était en proie à des guerres constantes, entraînant une forte demande en armes. La localisation géographique de Seki en faisait un lieu idéal pour la production de sabres, grâce à l'abondance de ressources naturelles telles que le sable ferrugineux de haute qualité, le charbon de bois et l'eau, tous indispensables à la forge de ces lames d'exception.
La région est devenue particulièrement célèbre pendant la période Muromachi (1336-1573) sous l'influence de maîtres forgerons comme Kanemoto et Kanesada, qui ont développé le style de sabre Mino-den. Ce style est caractérisé par sa robustesse, son tranchant et son magnifique "Hamon" (ligne de trempe), ce qui rendait les sabres de Seki très recherchés par les samouraïs à travers le Japon (voir plus-bas).
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Le musée a été créé pour s'assurer que cette riche tradition ne se pas perde avec le temps. Il préserve non seulement l'histoire de la forge des sabres à Seki, mais offre également un espace où les forgerons modernes peuvent transmettre leurs connaissances aux générations futures.
L'organisation et l'aménagement du musée
Le Musée du sabre de Seki est conçu pour évoquer l'atmosphère d'un atelier japonais traditionnel. Le bâtiment combine des éléments architecturaux modernes et traditionnels, créant un environnement serein qui reflète l'importance culturelle de son contenu. L'aménagement du musée est soigneusement conçu pour guider les visiteurs à travers l'histoire, les processus et l'art de la fabrication des sabres japonais.
Dès l'entrée dans le musée, les visiteurs sont accueillis par des mises en scène qui introduisent l'histoire de Seki en tant que centre de fabrication de sabres. Ces présentations retracent l'évolution de la production des sabres dans la région. Elles mettent également en lumière les figures historiques clés, les techniques et les styles qui ont défini les sabres de Seki au fil des siècles.
La collection du musée est vaste et méticuleusement organisée. Elle propose aux visiteurs une immersion profonde dans l'univers des lames japonaises. Les expositions sont divisées en plusieurs sections, chacune se concentrant sur différents aspects de la fabrication des sabres et sur la signification culturelle des sabres dans l'histoire du Japon.
1. Sabres et objets historiques
L'une des principales attractions du musée est naturellement sa collection de sabres historiques. Celle-ci comprend des exemples du style Mino-den que j'ai mentionné précédemment, pour lequel Seki est célèbre, ainsi que d'autres styles provenant de diverses périodes de l'histoire japonaise. Les sabres exposés vont de l'élégant "Tachi", utilisé par les samouraïs à cheval, au "Katana", le sabre emblématique des samouraïs qui s'est perpétué jusqu'à la période Edo. Pour en savoir plus sur la transition entre le tachi et le katana, lire mon article dédié ici.
Exemple de mei (signature). © O. Robert
La collection du musée comprend des lames forgées par certains des forgerons les plus vénérés de l'histoire du Japon. Parmi eux figurent des œuvres de Kanemoto et Kanesada, qui ont joué un rôle essentiel dans l'établissement de la réputation de Seki en tant que centre de production de sabres.
L'exposition de ces lames permet aux visiteurs d'apprécier les techniques minutieuses qui entrent dans la fabrication de chaque sabre, du pliage de l'acier aux gravures détaillées du manche recouvert de soie, appelées "Nakago".
En plus des sabres, le musée abrite également une collection d'objets annexes qui entrent ou non dans la composition finale du sabre. On peu y admirer des "Tsuba" (garde de sabre), des "Kozuka" (petits couteaux intégrés au fourreau) et des "Menuki" (décorations ornementales de la poignée). Ces objets, souvent finement conçus, témoignent du talent artistique des artisans qui les ont créés.
2. Outils et matériaux
Une autre section du musée est consacrée aux outils et matériaux utilisés dans la forge des sabres. Cette partie offre un aperçu des méthodes traditionnelles utilisées pour créer les sabres japonais, un processus qui a peu changé au fil des siècles.
Les visiteurs peuvent voir les différents outils employés par les forgerons, notamment des marteaux, des ciseaux et des limes. On peut y découvrir également une présentation des matières premières utilisées pour la production des sabres, comme le "Tamahagane", un type d'acier fabriqué à partir de sable ferrugineux, essentiel au processus. L'exposition explique comment le tamahagane est produit et pourquoi il est indispensable pour créer les lames de haute qualité pour lesquelles les sabres japonais sont réputés.
Exemples de tsuba. © O. Robert
Le musée présente également des expositions sur les différentes étapes de la production des sabres, depuis la forge initiale de la lame jusqu'au polissage et à l'affûtage final. Ces expositions sont accompagnées d'explications détaillées des techniques utilisées, telles que le pliage de l'acier pour éliminer les impuretés et augmenter la résistance de la lame, ainsi que le processus de trempe différentielle qui crée le "Hamon" distinctif sur le tranchant du sabre (photo ci-dessous).
Exemple de hamon. © O. Robert
Le hamon est une caractéristique visuelle distincte que l'on trouve sur la lame d'un sabre japonais. Il désigne la ligne visible (souvent ondulée) qui longe le tranchant de la lame, séparant le bord durci appelé "Hagane" du corps plus souple et flexible du sabre, appelé "Ji".
3. Démonstrations et ateliers
L'une des attractions les plus spectaculaires du Musée du sabre de Seki sont les démonstrations en direct de forge de sabres. Ces démonstrations offrent aux visiteurs une occasion rare de voir des forgerons fabriquer en direct les lames avec les techniques ancestrales. Par exemple, le 2 janvier de chaque année, il est possible d'assister à l'Uchizome-shiki, une cérémonie marquant la première forge de l'année.
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Lors de ces démonstrations, les visiteurs peuvent observer l'ensemble du processus de fabrication d'une lame, du chauffage de l'acier dans une forge à charbon à la mise en forme de la lame à l'aide d'un marteau et d'une enclume. Les forgerons expliquent chaque étape du processus tout en démontrant les compétences et les connaissances nécessaires pour créer un sabre japonais.
En plus de ces spectaculaires démonstrations, le musée propose également des ateliers où les visiteurs peuvent s'essayer à certaines des techniques utilisées dans la forge des sabres. Ces ateliers, dirigés par des artisans expérimentés, sont une occasion unique de s'essayer au travail des métaux traditionnels japonais. Les participants peuvent apprendre à polir une lame, à créer un couteau, ou même à fabriquer leur propre tsuba.
Cependant, sachez que les démonstrations en direct ne sont pas disponibles toute l'année. Si vous souhaitez y participer, je vous recommande de vérifier les dates auprès du musée ou sur leur site avant votre visite.
4. Le rôle des sabres dans la société japonaise
Au-delà des aspects techniques de la production de sabres, le musée explore également la signification culturelle des sabres dans la société japonaise. Cette section du musée s'intéresse au rôle des sabres dans l'histoire, à leur utilisation sur les champs de bataille ainsi qu'à leur importance symbolique dans les rituels et les cérémonies.
L'exposition explique comment les sabres n'étaient pas seulement perçus comme des armes, mais aussi comme des symboles de statut et d'honneur. Les samouraïs étaient tenus de porter leurs sabres en tout temps et le katana est devenu progressivement l'âme du samouraï. Ce lien culturel profond entre le sabre et le samouraï est exploré à travers une variété d'expositions, y compris des documents historiques, des peintures et des sculptures.
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Le musée met également en avant le rôle des sabres dans la culture japonaise moderne, notamment dans le contexte des arts martiaux tels que le Kendo et l'Iaido, qui ont leurs racines dans les techniques et traditions des samouraïs. Ces arts martiaux continuent de maintenir l'esprit des samouraïs et l'importance du sabre vivants dans le Japon contemporain.
5. Fabrication de couteaux à Seki: une tradition vivante
En plus des sabres, Seki est également célèbre pour sa production de couteaux. La ville est l'un des principaux centres de fabrication de couteaux au Japon, et le musée consacre une section à cet aspect de la tradition de fabrication de lames de Seki.
Pour en savoir plus sur le fascinant monde des sabres japonais et leur contexte historique, je vous recommande vivement de lire cet ouvrage de référence du maître Yoshihara Yoshindo :
Ma bibliothèque: Sabres japonais d'exception | Un ouvrage incontournable du grand maître des arts japonais Yoshindo Yoshihara, élevé au rang de "Légende vivante des traditions japonaises" par le gouvernement de Tokyo et choisi pour la séance de fabrication des sabres dans le film "Kill Bill 2'. Ce livre très bien illustré traite en détail du processus de fabrication du sabre japonais, forge, trempe, polissage, etc. A lire pour une compréhension plus approfondie et complète de cet art ancestral.
La section du musée réservée à ces lames modernes présente une large variété de styles et de formes, allant des couteaux de cuisine japonais traditionnels appelés "Hocho" aux couteaux modernes et performants utilisés par des chefs du monde entier. Ces couteaux sont réputés pour leur tranchant, leur durabilité et leur précision, des qualités qui sont le résultat direct des techniques et des matériaux utilisés dans leur fabrication depuis des siècles.
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En complément à l'histoire et à la fabrication des sabres, le musée explore donc également l'histoire et la fabrication de couteaux. A mesure que la demande de sabres a diminué à la fin du 19e siècle, de nombreux forgerons ont transféré leurs compétences vers la production de couteaux. Aujourd'hui, les lames fabriquées à Seki sont très appréciés tant au Japon qu'à l'international, et le musée offre un regard fascinant sur le savoir-faire qui se cache derrière ces outils essentiels de notre quotidien.
6. Expositions spéciales et événements
Le musée organise également des expositions spéciales et des événements tout au long de l'année. Ces expositions se concentrent souvent sur des thèmes ou des aspects spécifiques, tels que le travail d'un forgeron particulier, l'évolution d'un certain style de lames ou l'influence des sabres japonais dans la culture mondiale.
L'un des événements annuels les plus significatifs du musée est le Festival de la coutellerie de Seki, qui se tient en octobre. Pendant ce festival, le musée devient un centre d'activités intense, avec des démonstrations de forge de sabres, des ateliers de fabrication de couteaux et un grand marché où les visiteurs peuvent acheter des couteaux et d'autres produits fabriqués localement.
Pour les passionnés, vous pouvez poursuivre votre lecture par ce second article où j'aborde les différences entre le wakizashi, le tachi et le katana, leurs origines, leur signification et leur usage:
Un autre exemple de mei. © O. Robert
Informations pratiques:
Adresse: 9-1 Minamikasuga-cho, Seki, Gifu
Heures d'ouverture: 9h - 16h30
Fermé les mardis et les jours suivant les jours fériés nationaux
Téléphone: 0575-23-3825
Site web (en japonais)
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